Julian BESSET : admirateur de longue date ( Novembre 2010 )
Ce jour là, il y quelques temps déjà, nous devions nous rendre chez des personnes amateurs d’agriculture biologique, sur la recommandation du secrétariat de l’ Association Nature & Progrès qui œuvrait déjà pour l’agrobio, car nous étions en train de nous installer dans une région où ma femme et moi cherchions à nouer des relations avec des militants. Après les avoir avertis, nous nous rendons donc à leur domicile, à proximité de Grenoble.
Nous sonnons. Une jeune femme à lunettes épaisses nous ouvre. Son mari, leurs enfants sont à l’arrière plan. Je bredouille les salutations d’usage, mais de manière distraite, car mon attention a été comme happée par un spectacle unique.
Sur les murs de cet appartement modeste, une multitude de tableaux aux couleurs chatoyantes se détachent, comme autant de fenêtres ouvrant sur une réalité différente, bien différente d’un musée austère, où les œuvres sont comme détachées de leur contexte. Ici nous avions affaire à une œuvre palpitante de vie, chaleureuse, et associative, en ce sens qu’elle s’offrait à nos regards grâce aux intercesseurs qui nous accueillaient.
« Mais tous ces tableaux, au style si particulier, quel est l’auteur de ces merveilles « fis-je.
La jeune femme me répondit simplement : « Ce sont les œuvres de mon père ».
Depuis lors, nous avons gardé le contact avec eux, car une œuvre pareille ne s’oublie pas. Grâce à eux, j’ai appris bien des choses au sujet de Constant Detré. Son art du Pastel, à une époque où cet art avait perdu de son lustre, avant et pendant la seconde guerre mondiale.
L’art de Constant Detré, c’est un concentré de savoir faire, la concision, le trait sûr, la touche de couleur savamment distillée, le regard bienveillant quand il s’agit de peindre la luxure mais parfois indigné quand il s’agit de peindre le lucre. Ce regard bonhomme nous le rend attachant comme aucun autre artiste.
Tenez, pendant que j’écris ces quelques lignes, une de ses œuvres est accrochée au mur devant moi. Je regarde les personnages dans le tableau et elles me renvoient mon regard, en double car deux jeunes femmes sont représentées, en léger décalage. Celle de devant, au visage franc, semble sûre d’elle, alors que son amie, sa sœur, peut-être sa rivale, s’estompe, s’efface derrière elle, en léger retrait, comme si elle était mécontente de son sort, ce que traduit sa moue dépitée. Ce tableau n’a pas de titre, mais comme beaucoup d’autres tableaux du même artiste, il nous touche au point qu’on ne s’en lasse pas. Ces jeunes femmes ont un vrai nom, elles ont existé, la fille de l’artiste pourrait peut-être les nommer, mais il est pas nécessaire de le faire, tant ce tableau a de la profondeur.
Julian Besset , op.cit.